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Journées portes ouvertes - 09/02/2013 - ISBA Besançon

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Cette semaine, se déroulait un peu partout des journées portes ouvertes dans les établissements d'enseignement.

L'occasion pour les futurs étudiants – mais aussi pour le public – de découvrir ce qui se cache dans nos écoles, ce qu'on peut y apprendre, de rencontrer des élèves et des professeurs.

Pour la deuxième fois consécutive, je me suis rendu à l'Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon.

Pourquoi se rendre deux fois de suite au même endroit à un tel évènement, et ne pas aller ailleurs ?

Si comme j'ai l'habitude de la faire, mon premier reportage se voulait le plus exhaustif possible, tel une visite guidée, cette année j'ai suivi une démarche différente.

Je me suis fixé deux règles pour cette nouvelle approche.

Règle n°1 : me concentrer sur quelques personnes. Plutôt que de tout couvrir, trouver quelques personnages hauts en couleurs et faire leur portrait.

Règle n°2 : faire confiance au hasard. C'est révolutionnaire pour moi, qui ai l'habitude de tout planifier.

Me voilà arrivé sur le parking de l'ISBA, appareil photo et bloc-notes en main.

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Que faire avec les deux règles que je me suis fixé ?

Concrètement, d'abord parcourir l'ISBA, dont les nombreux couloirs forment un labyrinthe, jusqu'à ce que le hasard me fasse rencontrer un élève, un professeur, ou un artiste avec qui j'ai un coup de cœur.

Ensuite, ouvrir les vannes. Partir dans une interview en oubliant le temps qui passe. Ne plus avoir une interminable liste d'artistes et/ou de choses à voir avant la fermeture des portes. Une interview qui se terminera quand elle aura envie de se terminer.

Puis continuer jusqu'à la prochaine rencontre.

Pas de planning, pas de dossier de presse, pas de liste… mon reportage prend des allures de voyages en terre inconnue. On arrive quelque part, et jusqu'à la fin on ne sait pas ce qu'il va nous arriver.

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Je passe les portes du grand bâtiment, et je suis accueilli par des étudiants de l'ISBA costumés en pilotes et en hôtesses de l'air. Le hasard fait bien les choses ; les journées portes ouvertes sont cette année organisées avec le thème du voyage.

Je reçois mon billet et mon passeport, sur lequel il est écrit :

« La pire chose qui puisse survenir à un lauréat du concours d'entrée de l'I.S.B.A. est de se croire ‘arrivé'. En effet, une école d'art comme la nôtre est plus un point de départ qu'une destination ».

Mon voyage à peine commencé, et voici déjà la première escale. Une salle étrange où sont projetés plusieurs programmes en langues étrangères.

Au fond de la salle, je vois plusieurs étudiantes qui attendent assises à une table, et soudain, un steward m'interpelle « venez prendre votre cours de langues express ».

Je m'assieds en face d'une étudiante.

Son défi est le suivant : m'apprendre en cinq minutes quelques phrases dans sa langue natale, le Japonais.

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« Konnichi wa »
« Watashi wa furansugo wo hanashimasu »
« Sayonara »


Me voilà paré avec le bréviaire du parfait touriste, pour la suite de mon voyage.

Quelques couloirs me conduisent dans un atelier. J'y trouve Myriam, au milieu de quelques-unes de ses créations.

Elle travaille sur la nostalgie, les souvenirs, la mémoire, en utilisant la translucidité et la fragilité de la matière.

Elle me montre d'abord un patchwork réalisé avec des sachets de thé usagés. Le temps consacré à sa fabrication contraste avec sa grande fragilité et sa faible durée de vie.

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Prenant le contre-pied des artistes qui sculptent dans le marbre, ce travail de la matière se veut éphémère.

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Myriam me présente ensuite des peintures étonnantes. C'est la façon dont le résultat est obtenu qui en fait l'originalité. Elle a d'abord reproduit l'image d'une photographie ; mais le support qu'elle utilise est du papier imprégné d'huile.

L'huile a pour effet de rendre le papier translucide, mais aussi de limiter son absorption et d'augmenter le temps de séchage. La peinture ainsi obtenue devient évolutive, et fini par aboutir à une forme abstraite, un peu comme si le support donnait son point de vue sur le travail de Myriam.

La photographie qu'elle a choisie n'est pas anodine, elle représente des victimes d'Hiroshima. La déformation induite par le papier huilée, non maitrisée par l'artiste, peut être vue comme la symbolique de l'altération des souvenirs par le temps qui passe.

Myriam a aussi exploré d'autres façons d'utiliser le papier huilé pour évoquer les états du corps humain, comme une série de dessins évoquant des clichés radiologiques, ou ses moulages en 3D de bras et de pieds, à la fois réalistes et d'une légèreté surnaturelle.

La fin de ses études à l'ISBA approche, et Myriam va partir cette année étudier en Grèce dans le cadre du programme Erasmus. Après l'ISBA, elle espère pouvoir travailler en lien avec ses projets artistiques, par exemple en créant des décors pour le théâtre ou des festivals.

Dans la pièce voisine, je rencontre Maxim. Comme Myriam, il est en 4ième année et lui aussi va partir en voyages d'études Erasmus. Même s'il s'intéresse à la mode et à la création en général, son domaine de prédilection, c'est le dessin.

Né dans une famille d'artistes, il a choisi lui aussi de faire ses études aux beaux-arts.

Si beaucoup d'artistes cherchent à délivrer un message, les œuvres de Maxim nous invitent au contraire à découvrir son univers personnel nourri de nombreuses inspirations.

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« Je travaille sur le rêve » me dit-il. Maxim ne délivre volontairement aucune interprétation sur ses œuvres. Il préfère laisser libre court à ce que les gens peuvent imaginer en les regardant.

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Sa démarche surprend et va à contre-courant de notre société actuelle où tout est ultra-réaliste, où tout est commenté à l'instant même sur Internet, avec photos et vidéos prises au téléphone portable à l'appui.

Maxim a profité de son passage à l'ISBA pour s'essayer à d'autres disciplines artistiques. Le travail de la céramique, qu'il a découvert depuis peu, l'intéresse beaucoup.

Je reprends mon voyage. Quelques escaliers et couloirs plus loin, j'atterris dans un monde numérique.

Je suis accueilli par Clémence, de l'Espace Gantner.

L'espace Gantner existe depuis 1998, il est installé dans le territoire de Belfort, sa vocation est de promouvoir la culture numérique et les arts multimédias. Pour ses journées portes ouvertes, l'ISBA lui offre un espace pour présenter quelques créations numériques.

Clémence m'explique que l'intégration du numérique dans l'art ne fut pas évidente pour tout le monde.

Ce n'est que l'année dernière, en 2012, que l'Espace Gantner a été reconnu officiellement comme centre d'art contemporain. Et c'est le premier du genre en France.

Bonne nouvelle donc, cette prise de conscience de l'aspect artistique du monde numérique commence à faire son petit bonhomme de chemin en dehors des cercles autorisés.

Je me souviens encore d'un récent débat sur Game One où il était question de reconnaître certains jeux vidéo comme des œuvres d'arts, au même titre que le cinéma, la photographie ou la littérature.

Certains concepteurs de jeux et de logiciels vont ainsi avoir la surprise de découvrir que ce qu'ils ont fait il y a 25 ans leur donne droit à l'appellation d'artiste !

L'une des premières choses qui m'a passionné dans la vie étant l'informatique – vive l'Amiga 1200 ! – autant vous dire que ma conversation avec Clémence fut passionnée !

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Pour comprendre pourquoi il ne fut pas évident de considérer un logiciel comme une œuvre d'art, il ne faut pas se contenter de prendre le point de vue du créateur, mais aussi aborder le point de vue de l'utilisateur et aussi du conservateur de musée.

Voici un petit florilège de thèses et d'antithèses.

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Une œuvre traditionnelle se veut un objet unique, alors qu'un logiciel est un bien de consommation, conçu pour être copié et reproduit à l'échelle industrielle.

On peut opposer à cela que les photographies, les sérigraphies, l'imprimerie, le cinéma et la musique peuvent eux aussi être reproduits fidèlement à l'identique.

Une œuvre traditionnelle a une dimension humaine, émotionnelle, alors qu'un logiciel est un objet purement technique et scientifique.

Cette opposition n'en est pas une, nombre d'artistes de par le passé étant également scientifiques, comme Léonard de Vinci. D'autres artistes n'ont pas hésité à chercher à utiliser des sciences dans leur art, comme de nombreux compositeurs de musique classique avec les mathématiques.

Une œuvre traditionnelle se conserve durablement, alors qu'un logiciel et son ordinateur associés deviennent rapidement obsolètes et sont des produits jetables.

Là aussi, on peut y opposer de nombreuses formes d'expression artistiques éphémères (performances, dessins à la craie, …).

Toutefois la différence ici est que l'aspect périssable de l'œuvre numérique n'est pas choisie par son créateur mais subie. Cela constitue d'ailleurs un défi pour les conservateurs de musée, qui doivent aujourd'hui maintenir en état de fonctionnement toute une collection d'ordinateurs et de supports anciens dont la technologie a entièrement disparue.

L'une des œuvres numériques présentés à l'ISBA par l'espace Gantner m'interpelle. Il s'agit de T.R.I.P., de Monica Studer et Christophe van den Berg.

Les deux artistes n'hésitent pas à affirmer « que les appareils numériques ont une conscience ». Pour étayer leur thèse, ils ont créé le projet T.R.I.P. : « Transcendence for Real and Implicit Personalities ».

T.R.I.P. a donné naissance à un logiciel, le « Pharmakogramm », qui permet à l'utilisateur de visualiser sur un écran la conscience numérique de l'ordinateur.

Après avoir testé leur programme sur des milliers d'ordinateurs, Monica Studer et Christophe van den Berg sont enthousiastes, car chaque ordinateur produit un résultat différent. Preuve selon eux que chaque ordinateur possède sa propre individualité.

Une expérience psychédélique troublante, révélatrice d'une conscience !

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Je continue ma route.

Sur mon chemin, je rencontre Maud, étudiante à l'ISBA, appareil photo en main. Nous entamons une conversation.

Etudiante en graphiste, Maud s'intéresse également à la mise en scène. Elle a notamment réalisé des installations avec des « mots en volume ».

Souhaitant conserver une trace de son travail, elle a tout naturellement utilisé un appareil photo.

Ce qui n'était qu'un simple outil a fini par l'intéresser plus en détail, voilà comment Maud est devenue photographe.

« Pour mon projet de fin d'études, je me suis lancé un défi. Trouver suffisamment de personnes à photographier pour incarner tous les personnages du livre "La vie mode d'emploi" de Georges Perec. »

Maud a déjà trouvé, parmi les étudiants de l'ISBA, ses modèles pour incarner les personnages principaux du livre.

Elle a mis à contribution les visiteurs des journées portes ouvertes pour réunir suffisamment de clichés pour les personnages secondaires.

Comme je n'arrête pas de le répéter, derrière la photographie se cache une multitude de pratiques artistiques ou documentaires.

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Je lui demande ce qui l'intéresse précisément dans la photographie, ce qu'elle souhaite en obtenir.

Sans hésiter, Maud me cite les interrogations de Roland Barthes à propos du « visage de l'être aimé » qu'il ne reconnait plus. Pour elle, la photo est un outil permettant avant tout de montrer autre chose.

Le temps passe et les ateliers vont bientôt fermer. Les très attendus concerts de clôture des journées portes ouvertes vont bientôt commencer.

Une salle que je traverse retient mon attention.

Remplie de papiers et de lettres, elle retrace l'histoire de la Papeterie Züber Rieder.

« L'histoire de la Zuber est écrite sur les plafond »

Trois étudiants de l'ISBA, Maxime, Steeven et Thomas, ont rencontré des ouvriers de la papeterie, installée au bord du Doubs à Boussières, et toujours en activité après plus de 130 ans d'existence.

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A partir de documents, de témoignages, d'anecdotes et de vestiges historiques, ils ont monté cette exposition sur l'histoire de l'usine.

Entre évolutions technologiques, aventures humaines et blessures de l'Histoire, l'usine nous est montrée ici sous un autre regard, comme un témoin du siècle.

La première partie de mon voyage s'achève ici.

J'ai beaucoup apprécié cette nouvelle approche, j'espère qu'il en est autant pour mes lecteurs.

Comme je vous l'avais annoncé, les journées portes ouvertes se terminent en musique. Nous aurons droit à quatre concerts.

La programmation ne prévoit pas de scènes simultanées ; bonne nouvelle pour moi, je n'aurais pas à faire de choix cornélien et j'aurais même le temps de parler avec chaque artiste après leur concert.

C'est avec plaisir que je retrouve le duo King's Queer pour la première partie. Toujours sur la route, ils reviennent d'un concert qui a fait salle comble à Bordeaux, et repartent demain jouer à Lyon.

Ce concert à l'ISBA est quelque peu particulier car ils ont passé un partenariat avec l'école. En effet, pour la sortie de leur album en vinyle, chaque pochette est différente. Plusieurs d'entre elles ont étés illustrées part des étudiants de l'ISBA.

Le concert commence. Avec un savoureux mélange d'engagement, de rythme, de punk attitude et un soupçon d'autodérision, les King's Queer conquièrent le public une fois de plus.

Les quelques petits soucis techniques n'entameront pas leur bonne humeur.

« Dans l'art contemporain, le plus important ce n'est pas le résultat, mais la démarche ! »

Le concert se termine au milieu du public survolté qui scande à l'unisson « Amours et révoltes ! »

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La grosse soirée électro démarre ensuite. Cette année, l'ISBA s'est associée avec Bataille Nasale, jeune label indépendant et studio d'enregistrement Bisontin.

Le label a été créé par une quinzaine de musiciens issus de différents univers (noize, punk, expérimental, new wave, électro, …) qui se sont regroupés pour produire leurs disques en commun.

Leur objectif actuel est la diffusion la plus large possible, aussi leurs CD sont vendus à prix coûtant.

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Le premier artiste à jouer est EV_cµbe.

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Etudiant en 4ième année à l'ISBA, il s'intéresse au graphisme et à l'iconographie psychédélique des années 60.

Niveau musique, EV_cµbe est multi-instrumentiste acoustique. Ses influences sont multiples : 8bit, techno underground, hard rock, ... avec un coup de cœur pour les artistes comme Daft Punk ou Vitalic.

En 2008 il découvre la composition par ordinateur, qu'il essaye dans différents styles.

Il commence par des compositions plutôt atmosphériques et expérimentales, pour évoluer ensuite vers des sonorités techno plus proches de ce que font Brodinski ou Gesaffelstein.

Son voyage d'études en Angleterre dans le cadre d'Erasmus lui permet de jouer à l'étranger.

« Connaissant mes origines, le public là-bas avait une forte attente par rapport à la ‘French Touch' » m'avoue-t-il.

Ce soir il nous propose un live, accompagné par un VJing de Jay Fox.

La soirée continue avec un DJ, Michou.

C'est un ancien étudiant de l'ISBA, où il avait étudié la performance et les installations face au public.

Je lui demande quel lien fait-il avec ces disciplines et la musique ; il me répond « Pour moi la musique, c'est plus qu'un concert, c'est un spectacle ».

Son parcours de DJ a été nourri de multiples influences : d'abord le hiphop, où il a fait ses premières armes aux platines, puis l'électro-hiphop, ensuite il s'est tourné vers des sonorités techno acid, avant de revenir aux origines avec la techno de Détroit.

« J'ai toujours eu un rapport étroit avec les disques ». Sa pratique du DJing oscille entre le scratch, le mix et le bootleg.

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Michou était l'un des membres de l'ancien duo de DJ Bisontin « 2G2C » qui avait pas mal tourné en France et en Suisse.

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La soirée se termine avec Boyd Goosman, encore connu sous son ancien pseudonyme Flappy, et en tant que membre de l'ancien duo Noirdegout.

Il anime également une émission sur Radio Campus Besançon.

Boyd Goosman est un inconditionnel du vinyle. L'avantage de ce support réside selon lui dans son coût important de production.

De ce fait, avant de sortir un vinyle, les artistes y réfléchissent à deux fois, il y a donc une sélection qui se fait naturellement.

Ce qui n'est pas le cas du numérique, dont le cout de diffusion quasi-nul permet à n'importe qui de sortir n'importe quoi.

Ce soir, notre DJ est pourtant venu avec un système Tracktor. Aurait-il changé son fusil d'épaule ?

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« Non, c'est pour pouvoir jouer mes productions qui n'ont pas encore été pressées en vinyle » me répond-il

Et le public aura eu droit à une surprise puisque Boyd Goosman a joué un titre inédit de Noirdegout masterisé par ScanX.

Mon voyage est terminé, les portes de l'ISBA se referment.

Vous trouverez ci-dessous quelques photos et vidéos.


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