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Bien Urbain - 05/09/2013 - Sur les murs de Besançon

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Bien Urbain, c'est repartit ! Créé il y a trois ans par les passionnés de l'association « Juste Ici », l'évènement fait maintenant partit des temps forts de la rentrée bisontine.

Pendant un mois, les artistes invités créent « pour et avec la rue » des peintures murales, mais aussi des installations, des créations sonores ou interactives.

Avant de vous proposer une sélection de photos et quelques interviews, revenons sur l'origine et l'évolution de Bien Urbain.

« Je m'intéressais beaucoup à ces artistes-là, le plus souvent illégaux mais intéressants, parce qu'ils ont préféré mettre en avant la poésie que la rébellion » m'explique David Demougeot, qui est à l'origine du projet.

« Cette forme d'art devenait de plus en plus populaire, mais la façon de la montrer, en l'exposant dans des galeries, est en contradiction avec la nature originale de ces œuvres.

Il fallait donner un cadre à ces artistes plus proche de ce qu'ils font en réalité, c'est-à-dire en leur offrant un espace d'expression à l'extérieur des bâtiments et dans l'espace public.

En Italie, en Espagne et en Pologne, plusieurs évènements ont commencé à se développer. J'ai eu envie de faire la même chose à Besançon.

Concrètement, les choses ont commencées il y a un peu plus de trois ans par un contact avec le conseil de quartier de Battant, ce qui m'a amené à parler avec la ville de Besançon.

Avec le campus de la Bouloie, le quartier Battant est l'un des centres de gravité de Bien Urbain. Il y a une vie sociale très forte, mais pas d'évènement dans l'espace public, et assez peu de choses en rapport avec les arts visuels et plastiques.

Et à travers l'art dans l'espace public on peut imaginer d'autres choses, comme exploiter les vitrines vides.

Inévitablement, quand on a parlé de peinture dans l'espace public, cela a fait penser au tag, qui est perçu par beaucoup de monde comme dévalorisant.

L'enjeu a été de dédramatiser les arts graphiques en milieu urbain en proposant d'autres styles de peinture, avec un côté plus poétique. »


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Je demande justement à David quels sont les rapports de Juste Ici avec le milieu du graffiti.

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La conférence qui avait suivi la projection du documentaire « Writers » en mars 2010, au petit théâtre de la Bouloie, avait pointé du doigt l'absence d'espace pour la pratique légale du graph à Besançon.

C'est toujours le cas aujourd'hui, bien qu'une certaine tolérance existe place d'Arènes.

Il y a certes un paradoxe entre l'institutionnalisation des spots et la revendication illégale du graph, mais à Besançon, ville dépourvue de spot légal, les grapheurs n'ont pas le choix entre la pratique illégale ou légale.

Depuis presque vingt ans, les acteurs du monde du graffiti se sont regroupés régulièrement pour demander une concertation et un espace d'expression légal.

Mais cette demande, qui fait figure de « patate chaude » dans la capitale comtoise, n'a toujours pas aboutit.

Créer un espace d'expression légal pour le graffiti n'a pourtant rien de si compliqué.

Pour preuve, il y a quelques années, à 5 km de Besançon, la commune de Montferrand le Château a construit un mur dédié à cet effet.

La ville de Besançon quant à elle, comporte de nombreuses friches industrielles et espaces abandonnés dont la mise à disposition ne couterait rien à la collectivité.

Par rapport à Bien Urbain, une polémique avec certains acteurs du graffiti avait surgit en 2012.

David me répond :

« En fait, plus t'es pointu et plus tu vas pouvoir critiquer. Le graphisme est un nid de contradictions incroyables. J'espère qu'un jour ce sera dédramatisé.

Un des problèmes du graph est qu'il y a une certaine saturation qui engendre un manque d'intérêt.

Pour Bien Urbain, il ne s'agit pas d'opposer le graph et l'art contemporain, mais plutôt de montrer une diversité au sein de l'art visuel dans l'espace public.

Plusieurs artistes sélectionnés par Bien Urbain sont des légendes du graffiti, qui ont évolués ensuite. »

Revenons à l'édition 2013 de Bien Urbain.

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Nous sommes le 5 septembre, jour de l'inauguration.

Johanna, en service civil volontaire à Juste Ici, me sert de guide.

Je lui demande quelles sont les évolutions et les nouveautés que l'on peut découvrir cette année.

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« Par rapport à 2011 et 2012, nous avons plusieurs nouveaux projets. D'abord les Ateliers Juste Ici, en lien avec le contrat urbain de cohésion sociale. »

Il s'agit de fabriquer du mobilier urbain ?

« Oui, avec les bénévoles et les habitants du quartier, nous construisons des tables, des chaises, des sculptures. Tout est fait avec les moyens du bord, en bricolant avec de la récup'.

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Par rapport aux évolutions, nous avons installé notre quartier général dans un local plus grand, rue Battant. »

« Le local accueille les rencontres avec les artistes, et la librairie de Bien Urbain. C'est aussi un lieu d'information ouvert du lundi au samedi, et le point de départ des visites.

Pour améliorer l'accès aux personnes qui travaillent ou qui habitent loin du centre-ville, nous avons décalé les horaires des visites et des rencontres avec les artistes.

Nous avons également un partenariat avec Radio Campus Besançon, qui va couvrir les évènements et réaliser un micro-trottoir pour recueillir l'avis des passants et des habitants sur les œuvres réalisées.

Enfin et surtout, nous avons une grande nouveauté cette année, le projet Recovers the Streets. »


De quoi s'agit-il ?

« C'est un projet artistique à l'échelle Européenne. »

« Un échange a lieu entre les évènements similaires à Bien Urbain entre différentes villes : Cologne (Cityleaks Festival), Saragosse (Asalto Festival), Toulouse (Le mai des cultures urbaines) et Zagreb (MUU – Street Art Museum).

Chaque évènement parraine trois artistes locaux qui interviennent à la fois dans leur ville – avec leurs homologues européens et des habitants – et dans une des villes participantes.

Ainsi, pour les Francs-Comtois : Salomé Baraër sera reçue à Zagreb, Magnetic ira à Saragosse, et Tuco se rendra à Cologne.

Ils se retrouveront ensuite à Besançon en compagnie des artistes A. Signal (Cologne), Harsa (Saragosse) et Sretan Bor (Zagreb). »


L'heure tourne, et les festivités prévues pour l'inauguration square Bouchot commencent.

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J'ai retrouvé l'équipe de Super Señor. Comme les deux années précédentes, elle réalisera en sérigraphie des cartes régulièrement mises à jour tout au long de Bien Urbain.

De nombreuses affiches permettent d'avoir un aperçu du travail des artistes présents cette année. C'est notamment le cas de Akay et Rae. Le public est invité à déposer ses pensées intimes dans une boîte à secrets. Celles sélectionnées par les artistes seront ensuite imprimées, peintes ou gravées dans l'espace public.

Le QG, installé au 52 rue Battant, ouvre ses portes. J'ai eu le plaisir de tester la balade sonore de Pascal Rueff et de parler avec lui ensuite. Il est artiste passionnant, aux frontières entre l'art et la science.

La balade nous fait aussi découvrir les œuvres de Bien Urbain 2011 et 2012, ainsi que quelques points de vue remarquables sur notre ville.

Les jours passent, les artistes se mettent au travail, les œuvres fleurissent ici et là au centre-ville et à la Bouloie.

J'arrive à me libérer pour assister au vernissage de l'exposition de 108, artiste italien invité par Bien Urbain, au 13/15 rue de la préfecture, dans les locaux du Conseil Général du Doubs.

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108 a commencé par le graffiti dans les années 1990.

C'est uniquement aux lettres qu'il s'intéresse, son art est très peu figuratif. Cette passion pour l'abstrait va s'amplifier et prendre de nouvelles formes.

Quelques années plus tard, 108 poursuit ses études en design à l'institut polytechnique de Milan, il découvre et s'intéresse de près à l'avant-garde du début du XXième sciècle.

Je lui demande qu'est-ce qui l'intéresse dans l'art abstrait

« Si j'apprécie aussi l'art figuratif, j'ai choisi l'art abstrait, car c'est de la peinture pour la peinture. C'est-à-dire que je peux apprécier une forme ou une couleur uniquement parce qu'elle me plait, et non parce qu'elle fait penser à un objet réel.

C'est pour cette raison que j'aime aussi beaucoup les dessins d'enfants, et l'art primitif. Par exemple, on retrouve cette passion pour les formes et les couleurs dans les motifs psychédéliques des peintures Incas, Africaines, Indiennes, Celtiques et Asiatiques. »


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Lors du vernissage de l'exposition, le public découvre dans la cour du 13/15 rue de la préfecture une peinture de 108 recouvrant toute une façade.

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La forme abstraite, faite de quelques aplats de noirs avec une touche de couleur, est curieusement accompagnée de deux flèches, qui interpellent le public.

Je lui demande pourquoi.

« Ce soir tout le monde me demande pourquoi il y a des flèches (rires). Mes créations abstraites ne s'expliquent pas ; les deux flèches renforcent ce côté surréaliste. »

Il était assez amusant en effet d'entendre d'innombrables conversations entre les invités qui tentaient une vaine analyse.

« Ces flèches sont aussi un clin d'œil à ma formation, où j'ai fait beaucoup de dessin technique. J'aime bien en dissimuler dans mes œuvres.

L'abstrait a aussi pour moi une dimension subliminale. J'essaye de peindre ce que l'on voit une fois endormi, quand on commence à rêver. Plus précisément, à capter ce moment où notre conscience se débranche et pendant lequel notre cerveau laisse échapper des formes libres. »


Mais pour s'approcher de la sensation de rêve, une vidéo serait plus appropriée qu'une image fixe.

Justement, après plusieurs années de peinture, 108 à commencer à produire des films et de la musique.

« J'affectionne particulièrement les films de David Lynch, Fellini et Michel Gondry »

Le petit film projeté pendant le vernissage s'intitule Masconet, « Sorcier » en Italien.

108 a réalisé ce film en pensant à une histoire de sorcière que son grand-père lui a raconté.

« Pour moi, les chamanes et les sorciers sont à l'origine des premiers artistes de l'humanité.

Je suis un peu comme perçu comme une sorte de sorcier par les gens ¨normaux¨ (rires) »


Quant à la musique, si 108 joue un peu de guitare, son instrument de prédilection reste l'ordinateur.

Les possibilités offertes par les samples et les bruitages lui permettent de façonner son univers abstrait.

A noter également, un livre de 108 disponible à la librairie chez Urbain.

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Deux semaines se sont écoulées. Une bonne partie des œuvres sont terminées.

Je décide de participer à une visite à pied pour les découvrir. Une quinzaine de personnes attendent au 52 rue Battant.

J'y retrouve Johanna, qui nous servira de guide.

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Nous découvrons d'abord la Maison en scotch de Tricyclique Dol, puis une peinture de Lucie McLauchlan dans l'escalier du Champagney.

Les personnages qu'elle a représenté sont les mêmes qu'à Montrapon mais en plus petit.

L'artiste ne travaille qu'en noir et blanc, avec parfois quelques touches de rouge. Elle joue sur la transparence pour utiliser le support existant.

Ensuite, nous voyons deux inscriptions d'Aka & Rae.

La première, assez discrète sur un banc, correspond au travail habituel des artistes.

La deuxième est au contraire monumentale ; il s'agit du mot « PARDON » écrit au fond du trou creusé devant l'entrée de l'IUFM.

Puis une nouvelle peinture de 108, rue du Grand Charmont. Johanna qui a assisté au travail de l'artiste a été impressionnée par sa technique rapide, fluide et précise.

Pendant la visite, nous passons devant des œuvres réalisées en 2011 et 2012, et notamment la fameuse « peinture à l'ancienne » de JIEM qui est devenue au fil du temps la signature de Bien Urbain.

Nous traversons le Doubs et découvrons une inscription d'Aka et Rae pyrogravée dans le bois de la rambarde.

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La visite se termine au 13/15 rue de la Préfecture devant la première peinture réalisée par 108.

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Un des visiteurs demande comment ont été obtenues les autorisations.

Johanna lui répond.

« Juste Ici, l'association qui organise Bien Urbain, réalise un "appel aux murs" et contacte les propriétaires, qui donnent leur accord pour que l'association fasse les démarches administratives auprès du service urbanisme de la ville.

Il faut préciser qu'aucun croquis n'est fourni à l'avance, les artistes conservent leur liberté de création, et ils choisissent leur mur au moment de l'évènement.

Pour donner son accord, l'administration dispose uniquement de quelques exemples de créations antérieurs des artistes sélectionnés par Juste Ici.

Il peut arriver que les œuvres plaisent ou pas. L'association impose comme seule contrainte que les œuvres restent visibles pendant la durée de l'évènement. Libre aux propriétaires de repeindre les murs ensuite. »

Concernant les éditions passées, une bonne partie des œuvres ont été conservées et restent encore visibles aujourd'hui. Si certaines ont disparues, c'est parceque les supports étaient voués à la destruction ou devaient être rénovés.

Avant de rentrer chez moi, je récupère une carte mise à jour, pour visiter le campus de la Bouloie le lendemain.

Avec ses bâtiments de grande taille, le quartier a permis aux artistes de réaliser des peintures imposantes, avec de nombreux détails.

J'y ai trouvé des peintures d'Erosie, de Lucy McLauchlan, et les deux fameux bras de Smithe.

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Un peu plus loin, le long du boulevard, j'ai pu découvrir l'ancienne station-service entièrement repeinte par Ox, qui a fait beaucoup parler d'elle.

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Après ces balades photographiques, je retrouve David.

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L'édition 2013 se termine, peut-on déjà dresser un bilan de Bien Urbain ?

« Nous avons eu beaucoup de retours très positifs du public et de la ville, ça nous donne envie de continuer.

La fréquentation a décollée en 2013, notamment pour les rencontres avec les artistes et les visités guidées. »


Au début du festival, nous avions parlé des origines de l'évènement. Aujourd'hui, est-ce que la même chose existe ailleurs en France ?

« En France, Besançon est la seule ville où ce type d'évènement est organisé avec une telle ampleur, comportant des œuvres occupant l'espace public et perdurant plusieurs années. Il existe d'autres projets autour du street art mais ils sont soit cantonnés à des galeries, ou soit plus modestes, liés à de l'évènementiel éphémère. »

Besançon est donc une ville pionnière ?

« On peut dire que oui ! Cette année, l'équipe de Juste Ici à reçu la visite de plusieurs personnes d'autres villes qui se sont montrées vivement intéressées. En Europe et aux Etats Unis le phénomène continue à se développer. On compte aujourd'hui une cinquantaine d'évènements consacrés aux arts visuels, dont une quinzaine du même type que Bien Urbain.

On pourrait craindre que les évènements se copient les uns les autres mais au contrainre, ce qui est intéressant, c'est qu'au fil des années chaque évènement se distingue et évolue vers sa propre personnalité.

Bien Urbain se caractérise par plusieurs choses. D'abord l'absence de thème. Chaque artiste s'exprime librement avec son univers. Ensuite, les ouvertures avec d'autres formes d'arts, qu'il s'agisse de la musique avec les parcours et installations sonores, ou bien les arts plastiques. »

Une visite sur les sites web spécialisés montre que dans les milieux artistiques Bien Urbain a fait beaucoup parlé de lui et de Besançon à l'international.

Bonne nouvelle donc !

Il faut saluer le travail des équipes de Juste Ici, et se donner rendez-vous dans un an pour la 4ième édition de Bien Urbain.

Espérons aussi, comme l'a souhaité David Demougeot, que l'on arrive à « dédramatiser les arts graphiques en milieu urbain ».

Vous trouvez ci-dessous quelques photos.

Vous trouverez plus d'informations sur le site Internet de Bien Urbain.


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