Emergences - 31/06/2016 - Besançon
Du 31 mai au 3 juin 2016, le festival Emergences, organisé par la Ville de Besançon, met à l'honneur les nouvelles créations artistiques dans différentes disciplines du spectacle vivant : cirque, théâtre, musique.
Pour la 4ième année consécutive c'est le collectif Le Consortium qui assure la coordination des concerts de deuxième partie de soirée, en lien avec les associations de musique actuelles qui font vibrer Besançon.
Comme en 2013, 2014 et 2015, je vous propose un reportage complet sur le festival, avec des photos et des vidéos des concerts.
Le festival est inauguré le mardi 31 mai au Café International avec le concert de L.A.T.E. Vox Company, proposé par le CAEM de Besançon.
Le CAEM de Besançon – Carrefour d'Animation et d'Expression Musicale – a vu le jour en 1992. Il en existe 16 autres en France, créés dans le cadre des CMR (Centres Musicaux Ruraux).
Dédiés aux pratiques amateurs dans tous les styles de musique, les CAEM se veulent complémentaires aux conservatoires pour offrir un accès aux pratiques musicales à tous.
Les formations sont accessibles aux enfants dès 6 ans et aux adultes.
Il y a 7 ans le CAEM de Besançon s'est orienté vers les musiques actuelles, en mettant l'accent sur l'accompagnement à la scène. La philosophie est très différente de l'enseignement musical traditionnel et s'inspire du parcours des nombreux groupes qui ont réussi sans pour autant avoir suivi une formation artistique.
Bien qu'étant souvent identifié comme une école de musique, le CAEM ne délivre pas de diplôme.
La vision est différente et s'inscrit typiquement dans la démarche de création d'un groupe de musique par des amateurs motivés avant tout par le plaisir de jouer ensemble.
Les élèves ne passent pas des années à apprendre le solfège, pour devenir des musiciens jouant d'un instrument en lisant une partition.
« Les plus jeunes ne savent pas encore ce qu'ils veulent faire exactement. Il est difficile de choisir un instrument et d'y consacrer plusieurs années de sa vie. Au CAEM on leur permet d'essayer plusieurs choses et de toucher un peu à tout » m'explique un des formateurs du CAEM.
« Bien sûr on apprend aux élèves les bases et les techniques nécessaires pour jouer d'un instrument. Mais notre objectif c'est de leur permettre de jouer en live, sur une scène, avec d'autres musiciens, devant un public. Nous avons aussi des formations dédiées aux chanteurs. »
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« On apprend aux élèves à s'entendre les uns les autres pour jouer ensemble. On a souvent vu des musiciens qui sortent du conservatoire, et – bien que maitrisant leurs instruments – se retrouvent un peu perdus lorsqu'ils veulent mettre à profit leur expérience pour jouer dans un groupe de rock avec des amis. »
« Dans le domaine des musiques actuelles, sur scène on est sans partition, sans chef d'orchestre, il faut savoir improviser et réagir en fonction de ce qu'il se passe dans le public et de ce que font les autres musiciens. C'est un univers très différent. »
« Au CAEM notre enseignement est calqué sur les codes des musiques actuelles. Dès le début de l'enseignement on fait jouer les élèves ensemble sur scène, on leur apprend à s'écouter, à jouer ensemble. »
« Cette démarche est aussi plus accessible pour les non-professionnels, on arrive plus rapidement à obtenir un résultat, et avec ce type de formation l'élève devient rapidement plus autonome, il peut plus facilement trouver son style, prendre des initiatives, s'adapter à différents projets musicaux et évoluer selon ses envies. »
« Le CAEM est aussi et surtout un lieu de rencontre, un ‘carrefour' comme son nom l'indique. Les élèves se lient d'amitié les uns aux autres et c'est comme ça que des groupes de musique peuvent se former. »
Le CAEM vient tout juste de lancer un dispositif « Paie ton groupe » dont L.A.T.E Vox Company est le premier bénéficiaire.
« Nous sommes heureux et fiers de voir des gens qui sont passés par le CAEM et qui ont monté un groupe, qui ont confiance en eux, qui sont très motivés et qui se font plaisir sur scène ensemble. »
L.A.T.E. Vox Company comporte cinq membres. Quatre d'entre eux se sont rencontré au CAEM : Robin à la basse et à la guitare, Téo au clavier, Kevin à la basse et à la guitare, et Charline au chant.
« Il nous manquait un batteur pour former le groupe et j'ai trouvé Charles qui est dans la même classe que moi » m'explique Charline.
Les membres du groupe sont âgés de 20 à 26 ans. L.A.T.E. Vox Company a vu le jour à l'été 2015.
Le groupe produit une musique nourrie des différentes inspirations de ses membres, à mi-chemin entre la soul, le reggae, le rock et le jazz.
Le groupe continue à répéter au Bastion et au CAEM et s'est fixé comme objectif de composer encore quelques chansons avant de sortir un EP.
Ce qui ne l'empêche pas d'enchaîner les dates.
« On veut que notre premier album ai la qualité de la scène ! » m'explique Charline.
Cela correspond bien à la philosophie du CAEM, et aussi aux origines de la musique. N'oublions pas en effet que ce n'est que très récemment dans l'histoire de l'humanité que l'on peut enregistrer la musique. Pendant des millénaires il n'y a eu que la scène.
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L.A.T.E. Vox Company se produira le 18 juin à Montferrand-le-Château, le 21 juin sur la scène de la fête de la musique du Bastion, et le 29 juin aux Passagers du Zinc.
Le concert a ravi le public venu en nombre au Café International. A noter la participation de Loïc, le chanteur de Mystical Faya, en guest star pour deux chansons ; Loïc étant également enseignant au CAEM.
Le public a aussi pu découvrir sur scène un instrument un peu particulier, utilisé par L.A.T.E. Vox Company pour une chanson : le « Beat Root ».
Il s'agit d'un hang drum inventé en 2013 par Youle, un artiste bisontin, dont je vous avais dévoilé le lancement sur ce blog il y a trois ans.
A noter également, le renouvellement du partenariat entre le collectif Ensemble limitons les risques et le festival Emergences, grâce auquel le public a pu bénéficier gratuitement de matériel de réduction des risques.
Mercredi le festival continue avec « Vielle Branche ». Cette pièce de théâtre, proposée par la Compagnie Prune, en partenariat avec l'association Pic et Perches, est pour le moins originale.
Le personnage central de l'histoire est un chêne centenaire, incarné par un arbre, ici un vieux cèdre du parc de la Grande Huguenet.
L'arbre, appelé « l'ancêtre », a accompagné pendant huit générations la famille Pépin ; la pièce nous dresse un portrait de famille haut en couleurs aux travers du regard pétillant de la petite dernière, Miette Pépin, âgée de 8 ans au début de l'histoire.
La pièce a recours à différentes disciplines artistiques : musique, théâtre, arts du cirque et de la rue. La troupe de comédiens et d'artiste a su résoudre les difficultés techniques avec élégance. La pièce se déroule dans un cadre original, en pleine nature, qui place le public hors du temps.
« Vieille Branche » est une pièce pour petits et grand. Un conte intemporel et original, une rencontre entre le théâtre et les univers oniriques de Michel Gondry et Tim Burton.
La soirée continue avec le concert de Marion Roch au Petit Théâtre de la Bouloie, proposé par le CROUS de Besançon.
Marion Roch écrit ses chansons et se produit sur scène depuis l'âge de quinze ans. Son véritable projet musical prend forme en juin 2014 lors de la sortie de son premier album présenté sur différentes scènes régionales.
Marion Roch vient de sortir son deuxième disque en 2016. Celui-ci témoigne du travail de l'artiste qui a souhaité explorer d'autres directions, avec une nouvelle équipe de musiciens.
Sur scène elle est accompagnée par Christopher Peyrafort aux guitares, Vladimir Torres à la contrebasse, Alexis Amiotte aux machines et Fred Maggi aux claviers.
Marion Roch dévoile au public une sensibilité à fleur de peau, explorant toute la palette des émotions.
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Un gros travail de mise en scène a été réalisé autour de l'album, avec le metteur en scène Mohamed Guellati. Le concert a été pensé, mis en lumière et joué comme une pièce de théâtre.
A la fois musiciens et acteurs, la formation à géométrie variable de Marion Roch raconte une histoire au travers de chansons tantôt acoustiques, tantôt rock, tantôt électro-pop avec des accents hiphop.
Le public a pu apprécier la polyvalence de Marion Rock et de ses musiciens qui sont à l'aise dans différents registres.
La soirée se termine au bar Le Maquis avec le concert du groupe de rock Prix Spécial, proposé par l'association Topaze Prod.
Créé en 2009, le groupe est composé de quatre membres : Yves à la guitare, Tony à la basse et au chœur, Etienne à la batterie et au chœur, et Alex à la guitare et au chant.
« Le nom du groupe est un peu lié au hasard : juste après la création du groupe on avait récupéré plein de flyers ‘prix spécial' dans un magasin et du coup ça nous a permis de faire la com' de notre premier concert (rires). »
« Il y a aussi un côté second degré, ce nom peut être interprété de différentes façons. Egalement un côté underground qui consiste avec ce nom à ne pouvoir être trouvé que par les connaisseurs ; quelqu'un qui tape ‘prix spécial' dans un moteur de recherche ne tombera pas facilement sur nous. »
Ils ont pu parfaire leur formation par le biais du dispositif « Piston » proposé par l'association Le Bastion. Ceci leur a permis d'accéder à de nombreuses scènes depuis 2011. Parmi ces scènes, le groupe a pu assurer des concerts à La Rodia, au Grand Kursaal, à la fête de la musique à Besançon sur la scène principale, ainsi qu'à de nombreux festivals et salles diverses (en Franche-Comté et Suisse).
Après deux démos et de nombreux concerts, le groupe sort son premier album en 2013 : « Au carrefour des héros », un 10 titres enregistré au studio Le Cube.
Prix Spécial vient tout juste de sortir son deuxième album, intitulé « Nouvelle directive ».
« Ce deuxième album est plus uni, plus politique et plus engagé, alors que le premier était plus ou moins un best of de nos chansons. »
« Nous avons choisi de chanter en français car cela offre plus de possibilités pour l'écriture et pour faire passer un message. Avec des paroles en français on peut utiliser de l'argo et du langage soutenu tout en étant compris par le public, ce qui n'est pas possible si on chantait en anglais. Il est plus naturel de composer et de chanter dans sa langue maternelle. »
« Notre musique est plus rock que punk, notre côté punk c'est d'avoir des textes sombres mais avec un côté festif, mais nous voulons que la musique serve les paroles. »
« Nos influences se situent aussi bien dans la musique que dans le cinéma ou la poésie, avec des artistes comme Quentin Tarantino, Jacques Brel, Georges Brassens, Léo Ferré »
Le public a pu apprécier les textes et l'ambiance musicale de Prix Spécial, avec des titres tantôts énergiques tantôt calmes et profonds.
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Jeudi le festival reprend avec le concert de Cube Trio au Bar de l'U, proposé par l'association Le Consortium.
Le groupe est composé de Biniou Retrouvey à la batterie, Victor Pierrel à la Basse et Aurélien Dudon à la guitare.
Les trois musiciens se sont rencontrés en 2015. Après un an de répétition, Cube Trio vient de sortir son premier album « La chouette ». Enregistré par Guy Pothier, il est disponible gratuitement en téléchargement sur http://cub3trio.bandcamp.com/releases.
Cube Trio est un groupe de jazz instrumental, esthétique relativement rare de nos jours. « Avant le jazz était un style musical bien définit, mais maintenant c'est plus un terme générique. »
« Ce qui nous intéresse dans cette esthétique c'est qu'il y a beaucoup moins de codes formels, elle laisse une large place à l'improvisation. On peut partir où on veut, chaque musicien peut s'exprimer en faisant un solo. En fait, le jazz est un langage qui nous plait. Si notre musique est nourrie de profondes influences jazz, on joue en phase avec notre époque, avec des rythmes modernes. »
« Sur ce projet on voulait uniquement des notes et du rythme, d'où le choix d'une formation entièrement instrumentale, mais cela ne nous empêche pas d'envisager des collaborations avec des chanteurs ou des MC. »
Ces collaborations ne se sont pas faites attendre et se sont produites de façon improvisée pendant le concert comme on le verra par la suite.
« Le nom ‘Cube Trio' est une référence à l'univers de Léonard de Vinci et à la polyrythmie. Le titre de l'album ‘la Chouette' vient de l'endroit où on répète, chez Biniou, où il y avait une petite chouette en bois dans une alcôve. On a trouvé ce symbole intéressant. »
Ce soir c'est le premier concert de Cube Trio.
Sur scène, le groupe a joué les chansons de son premier album mais aussi quelques reprises de standards du jazz, un titre inédit et une chanson créée pendant les balances avec un texte écrit pour l'occasion par José Shungu, le chanteur de Green Shop.
Comme c'est la tradition dans le jazz, le concert s'est terminé dans une ambiance chaleureuse par une session improvisée, qui s'en transformée en session « Open Mic » avec l'intervention de la chanteuse Naty, du MC Steevo et de José Shungu.
Le public venu en nombre pour découvrir ce nouveau groupe fut ravi.
Cube Trio va se produire le 10 septembre au festival de Jazz d'Auricourt, puis à l'auditorium de Lure en décembre, et également dans les ‘Jams' de la MJC de Sochaux.
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Le festival reprend vendredi avec le concert de GLIZ, proposé par La Rodia.
Le trio réunit sur scène un semble peu commun d'instruments : Tom joue du tuba, Flo du banjo électrifié, et Mitch une batterie modifiée.
GLIZ n'est pas juste une expérimentation musicale mais avant tout un groupe pop-rock, nourri des différentes influences musicales de ses trois musiciens.
Un travail important est réalisé pour exploiter les possibilités offertes par les instruments, parfois en les détournant un peu de leur usage traditionnel pour obtenir des effets ou jouer dans différents registres. Certaines chansons sont très dynamiques, composées pour faire danser le public ; d'autres sont au contraire plus mélancoliques et intimistes.
Le public avait pu découvrir GLIZ la première fois sur scène en 2014, puis avec la sortie de leur premier EP en 2015 et leur participation au tremplin des Inouïs du printemps de Bourges.
Leur participation au dispositif Emergences fut l'occasion pour eux se de consacrer plus finement sur la mise en scène.
« Notre travail en résidence a été d'écrire aussi pour les yeux du public, au travers d'une création lumière, d'un travail sur le décor pour mettre en valeur nos instruments. »
Le public, venue nombreux au Club de la Rodia, découvre sur scène cette formation singulière, mis en valeur par un éclairage et une décoration sur mesure.
A noter également, pour la dernière chanson, Flo échangea son banjo contre un harmonium déniché sur les petites annonces.
Le festival se termine au Passagers du Zinc avec le concert de S2E et DJ MASTA.
Les deux artistes se connaissent depuis plusieurs années, leur collaboration ayant abouti à un premier disque en 2012 intitulé « Sujet qui fâche »
Ils viennent tout juste de terminer leur deuxième album « les Tontons Sampleurs », qu'ils sont venus présenter au public dans le cadre du festival Emergences.
« Tout est fait à la maison, en mode do it yourself. Ce deuxième disque est l'aboutissement de trois années de travail. On aime prendre notre temps, laisser les choses se dessiner. »
« Le titre fait référence au cinéma français des années 70 dont on s'est beaucoup inspiré pour l'ambiance de l'album. »
« On ne travaille pas que sur la musique, mais aussi sur la mise en scène, on a produit beaucoup de petits clips vidéos que le public peut voir sur notre chaîne Youtube. »
« L'univers du cinéma auquel on fait référence est très parlant pour le public ; cela pose tout de suite l'ambiance, et met directement le public dans l'univers de la chanson. »
« On utilise beaucoup le second degré et l'humour, parce qu'on est comme ça dans la vie aussi (rires). »
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« On a aussi des textes engagés, plus sombres, mais on a trouvé une façon d'amener ces chansons sur scène pour éviter de tomber dans le pathos. Il n'y a rien de pire que la caricature du rap engagé avec un MC qui chante des textes noirs en faisant la gueule sur une instru pesante. »
Sur scène S2E et DJ MASTA on sut toute de suite tissé le lien le public. Le concert avait le côté rafraichissant et jubilatoire des films de Michel Audiard.
« On cherche la proximité avec le public, comme si on jouait dans leur salon. Un lieu comme Les Passagers du Zinc se prête parfaitement à cet exercice. »
S2E et DJ MASTA sont membres du collectif Pur East, dont le prochain concert aura lieu le 9 juillet à Saint-Claude.
Le concert s'est terminé avec une session Open Mic pendant laquelle plusieurs MC présents dans le public sont intervenus : Hématome, Lyo et Skadé, tous trois membres de Pur East, et aussi Shao (anciennement Lil Shaolin).
Un DVD est prévu pour la rentrée 2016 avec des clips, des lives, et quelques surprises.
Le festival Emergences s'est terminé sous la pluie mais dans la bonne humeur.
Ci-dessous retrouvez les photos et les vidéos du festival.
La semaine des Émergences est organisée par la Ville de Besançon, en partenariat avec le Centre Dramatique National Besançon Franche-Comté, La Rodia – Scène de musiques actuelles, Les 2 Scènes - Scène nationale de Besançon et le service culturel du CROUS.
Coordination des concerts dans les bars par l'association Le Consortium en partenariat avec les associations Le Bastion, CAEM, Topaze Prod, Ensemble Limitons les Risques et le Bar de l'U, le Café International, le Maquis, Les Passagers du Zinc.
Avec le soutien de l'association Na-Compagnie Pernette et de l'association Culture Action dans le cadre du processus d'accompagnement des artistes.